Historique

Dans un article, le docteur William Ubregts, qui a publié en 1978 un remarquable ouvrage sur le château de Corroy, a écrit: Que faut-il penser de Corroy dont la valeur testimoniale est superlative et unique ? Dans la hiérarchie monumentale, il se situe au rang des grandes collégiales. On peut le comprendre si l’on sait que l’architecte de cette forteresse des comtes de Vianden a sans doute construit par la suite le château de Beaumaris dans l’île d’Anglesey au pays de Galles, édifice jamais achevé que les spécialistes considèrent cependant comme le plus parfait château du Moyen Âge.

Le château de Corroy est un château de plaine, ceint de douves nourries par plusieurs sources. C'est le témoin le plus important et le plus complet que nous a légué le XIIIe siècle, non seulement pour la Belgique, mais pour l'ensemble des Pays-Bas où il fait figure de vaste résidence et forteresse d'un prince territorial. Il fut essentiellement construit en grès pour le cœur des murs et les revêtements, et en dolomie pour les encadrements des baies et certains parements (par exemple à la base des tours et des courtines). Le château fut élevé en deux phases: la première vers 1247 vit l'édification sous Philippe de Vianden et Marie de Brabant-Perwez d'un puissant donjon rectangulaire, entouré probablement d'une palissade délimitant une cour intérieure. Ce donjon d'habitation, ou «grosse tour de Vianden» rasée vers 1730, fut retrouvé lors de sondages effectués en 1974.

Dans une seconde phase, peu après 1268, date de l'achat définitif du comté de Namur par Guy de Dampierre, comte de Flandre, le duc de Brabant a dû amener les Vianden, ses consanguinei et ses alliés, à réagir par la construction en pierre d'une enceinte à tours multiples, face au château namurois de Golzinnes. L'inspiration vient de France, de Philippe-Auguste, oncle par deux côtés de Philippe de Vianden, peut-être même du Louvre. Cette seconde phase fut très considérable et nous a été transmise en grande partie. L'enceinte est sans doute terminée avant 1288. Cette année-là, Godefroid de Vianden s'intitule seigneur de Corroy (jusqu’alors les terres ne constituaient pas une seigneurie), donne une charte de franchise aux habitants du village et dispense les chanoines de Floreffe de payer le droit de la porte du château.

Les épaisses courtines portent un chemin de ronde continu, passant par les tours et traversant le châtelet, les logis, voire la tribune de la chapelle. Le parapet est formé de merlons entre des fenêtres-archères, garnies de volets en temps de paix. En période de conflit, ces mantelets étaient remplacés par un hourd de bois dont les boulins sont facilement discernables.

Corroy a quatre tours d'angle voûtées, désignées vers 1500 dans les archives d'après les points cardinaux; la plupart flanquent la muraille. Ces tours possèdent de remarquables archères de deux mètres de haut (agrandies et retaillées en canonnières en 1477) et un parapet hourdé comme les courtines. Les portes des hourds peuvent servir d'entrée aux latrines en bois.

Le châtelet d'entrée (où se trouve la «chambre de Vianden») est un véritable poste d'observation et de commandement. Il est constitué de deux demi-tours (ou «tourettes») semi-circulaires et très militaires (archères, voûtes, fente d'observation) enserrant un passage fort bien protégé (pont-levis, herse, assommoir, deux portes à doubles vantaux). Au cours des temps le châtelet fut modifié, dédoublé même, et pour moitié détaché du château; le châtelet actuel, ou plus communément la «barbacane», restaurée en 1718, est déjà la quatrième version. Le passage primitif fut aussi changé: son niveau fut fort abaissé au XVe siècle et une galerie le surplomba au XVIe siècle afin de relier directement les demi-tours. En 1542 Martin van Rossem s'empara du château après l'avoir canonné du village, ce qui eut pour effet de détruire des pans entiers du châtelet. On répara la partie haute et on enterra malheureusement la base des tours et des murailles d'entrée pour mieux protéger ces constructions de l'artillerie. Ce faisant, le seigneur de Corroy fit perdre au château le tiers de sa hauteur et un des aspects les plus imposants de la forteresse médiévale. Wilhelmine de Bronckhorst-Batenburg, veuve d'Alexis de Nassau, remplaça la barbacane en 1559-1560: deux lionceaux à ses armes et à celles de son mari en témoignent. La plus grande partie de ce bâtiment fut refaite en 1718.

Mais Corroy était également la demeure de princes liés à la maison de Brabant: les Vianden et leur bailli occupèrent des constructions accolées aux courtines. Certes ils avaient sacrifié à la valetaille tous les rez-de-chaussée, qu'il s'agît des dépôts sous la grande salle, des cuisines sous la petite salle, du niveau inférieur de la Chapelle Notre-Dame qui était de plain pied avec la cour, du fournil, du chenil, des grandes et des petites écuries. Au premier étage, les maîtres se réservaient l'«aula» ou salle de réception, le petit appartement intime entre les tours nord et ouest, ainsi que la tribune de la chapelle. Corroy visualise par conséquent le clivage horizontal de la société médiévale. Ajoutons que Corroy disposait de trois puits, deux dans la cour et un sous la cuisine. Dès la fin du XVe siècle, un colombier était installé dans la tour sud: une réserve de viande non négligeable.

Batenburg, veuve d'Alexis de Nassau, remplaça la barbacane en 1559-1560: deux lionceaux à ses armes et à celles de son mari en témoignent. La plus grande partie de ce bâtiment fut refaite en 1718.

Mais Corroy était également la demeure de princes liés à la maison de Brabant: les Vianden et leur bailli occupèrent des constructions accolées aux courtines. Certes ils avaient sacrifié à la valetaille tous les rez-de-chaussée, qu'il s'agît des dépôts sous la grande salle, des cuisines sous la petite salle, du niveau inférieur de la Chapelle Notre-Dame qui était de plain pied avec la cour, du fournil, du chenil, des grandes et des petites écuries. Au premier étage, les maîtres se réservaient l'«aula» ou salle de réception, le petit appartement intime entre les tours nord et ouest, ainsi que la tribune de la chapelle. Corroy visualise par conséquent le clivage horizontal de la société médiévale. Ajoutons que Corroy disposait de trois puits, deux dans la cour et un sous la cuisine. Dès la fin du XVe siècle, un colombier était installé dans la tour sud: une réserve de viande non négligeable.

Pillé à deux reprises par les Français de Louis XIV, en 1690 et en 1697, Corroy tomba pendant quelques années au rang de château-ferme, à une époque où les Nassau, endettés, s'occupaient d'autres résidences. Vers 1730-1740 le comte de Corroy, revenu à meilleure fortune, entreprit dans sa vieille forteresse des travaux considérables qui finirent par assécher ses ressources, mais qui visaient à en faire une étonnante demeure de plaisance. Le donjon central fut abattu, de même que la courtine sud-est: le soleil put désormais envahir la cour et les vastes appartements créés au nord et au nord-est. En deux campagnes architecturales et en récupérant les matériaux de démolition, on créa des pièces multiples et variées. Les espaces du rez-de chaussée devinrent des salons d'apparat. Après un relatif abandon au début du XIXe siècle, le château fut redécoré au gré des modes successives: ainsi la salle à manger de marbre (1848), chef-d'œuvre inspiré de la Casa del Labrador à Aranjuez, est-elle dans l'esprit du XVIIIe siècle alors que le grand vestibule et la chapelle (1863) s'inspirent du néogothique ambiant dans l'esprit de Pierrefonds que les Trazegnies, très liés à la cour des Tuileries, avaient dû visiter. Dans un salon voisin, de magnifiques toiles ornementales des années 1770 ont été installées après la destruction de l'ancien hôtel des comtes de Villegas à Bruxelles. Elles sont admirablement intégrées au bâtiment depuis les années 1870.

L'ensemble de la décoration a été refait et entretenu jalousement à partir de 1957. Tout vient d’être renouvelé, de 2009 à 2024, et remeublé partiellement grâce au mobilier de l’Association Royale des Demeures Historiques et à des prêts d’œuvres d’art faisant partie de la collection du chevalier Alexandre de Selliers de Moranville.

Autour du bâtiment, les comtes de Nassau avaient créé de superbes jardins à la française, avec charmilles, parterres et labyrinthe, dont un livre terrier de 1743 rappelle les charmes et la splendeur.

HISTOIRE DES SEIGNEURS DE CORROY

A la fin de cette notice, le lecteur pourra consulter un tableau généalogique complet des différents seigneurs qui se sont succédé depuis 1095. Cette remarquable continuité fait de Corroy une des six ou sept demeures de Belgique qui se soit transmise par héritage durant près d’un millénaire.

A l’origine, les marais qui se situaient au sud du petit hameau de Corroy (Coryletum = bois de coudriers ou de noisetiers) auraient pu inspirer des cultes celtiques, voire antérieurs. Des tuiles romaines et un néron d’or ont été retrouvés sur le site du château, tandis que les vestiges d’une construction beaucoup plus ancienne subsistent en dessous de la chapelle actuelle. Rien n’indique que les lieux aient pu servir à l’habitation d’un seigneur avant le XIIIe siècle. Nous savons cependant que la puissante famille d’Orbais possédait des terres à Corroy, et ce dès 1095. Bernard, sire d’Orbais, épousa la fille d’un des plus grands barons de France, le sire de Coucy, dont la puissance défiait celle du roi lui-même. La devise de cette famille n’était-elle pas : Roi ne puis, prince ne daigne, je suis le sire de Coucy ? Leur petite-fille s’unit à Guillaume de Brabant, né du deuxième mariage du duc Godefroid III avec Imaine de Looz. Ils fondèrent ainsi l’éphémère branche de Brabant-Perwez. L’homme était un demi-frère du duc Henri Ier le Guerroyeur, ce prince ambitieux, toujours désireux d’accroître sa puissance au détriment de ses voisins, mais qui subit la cuisante défaite de Steppes (1213) contre les Liégeois et qui dut composer après 1214 avec les vainqueurs de Bouvines. Tant Godefroid III qu’Henri Ier furent des princes centralisateurs qui luttèrent pour affermir le pouvoir central. Dès lors, le mariage de Godefroid de Brabant, sire de Perwez, propriétaire de Corroy, avec Alice, dame de Grimbergen, apparut comme un triomphe de la politique ducale. Ces cadets des Berthout, seigneurs de Malines, avaient été le cauchemar de Godefroid III qui lutta contre eux de 1142 à 1159. L’héritière principale de Godefroid et d’Alice, Marie de Brabant, enrichit considérablement le patrimoine de son époux, Philippe, comte de Vianden en Luxembourg.

Le mariage eut lieu en 1247 et changea le destin du petit village de Corroy. Le père de Philippe était Henri, comte de Vianden, et sa mère, Marguerite de Courtenay, fille aînée de Pierre de France-Courtenay, empereur latin de Constantinople, et de Yolande de Hainaut. Entre 1228 et 1237, les Vianden avaient tenté de créer un embryon de Lotharingie en s’emparant du comté de Namur qui appartenait au frère cadet de Marguerite, l’empereur Baudouin II. Ce dernier, parvenu à sa majorité, revint en Occident et mit fin au règne de sa sœur à Namur. Après quelques années de brouille, il se réconcilia avec elle et fit même miroiter son héritage au jeune Vianden au cas où son propre fils, Philippe de Courtenay, serait passé de vie à trépas. C’est une des raisons pour lesquelles Philippe de Vianden voulut s’installer à Corroy, non loin de ce comté de Namur qui polarisait toutes ses espérances. Ce n’est pas pour rien qu’il dédia la chapelle à Notre-Dame, distinction accordée aux plus grandes églises et aux cathédrales. Sa vie (ein stürmisches Leben) fut une lutte perpétuelle pour s’emparer de ce territoire qui symbolisait ses rêves d’unité politique et peut-être même d’empire. Une tour isolée fut construite peu après son mariage. Ce donjon, qui subsista jusqu’au XVIIIe siècle, devint le centre du grand château que Philippe commença vers 1268 et qui fut achevé par son fils Godefroid. L’achat définitif du comté de Namur par les Dampierre de Flandre ainsi que l’influence grandissante du comte de Luxembourg (autre prétendant au comté de Namur) poussèrent les Vianden à déplacer en Brabant le centre de gravité de leur pouvoir. Il est probable que Jean Ier de Brabant (devenu duc en 1267) ait aidé son cousin à édifier dans les marais stratégiques de Corroy la plus importante forteresse de son duché, destinée à cadenasser le sud de son territoire.

La dernière Vianden, Marie, épousa en 1348 Simon, comte de Sponheim. Leur fille héritière, Elisabeth, s’unit à Robert de Bavière, dit Pipan, fils aîné du comte Palatin Robert III. Ce dernier, de 1401 à 1410, fut «roi des Romains» (soit Empereur du Saint-Empire, mais non couronné) sous le nom de Robert Ier. En 1374, la seigneurie de Corroy abritait 47 adultes capables de payer un mouton d’or. Le château était déjà entouré d’un parc dans lequel croissaient hêtres, châtaigniers, tilleuls, noyers, pins et acacias.

N’ayant pas d’enfants, Elisabeth légua en 1417 tous ses biens du Plat Pays à son neveu, Engelbert, comte de Nassau-Dillenburg. C’est ainsi que le château de Corroy parvint à cette grande maison de l’histoire européenne, dont le nom reste attaché à l’indépendance des Provinces-Unies, les Pays-Bas actuels. Engelbert II, petit-fils du précédent, fut un des principaux soutiens de son cousin germain, le futur empereur Maximilien Ier qui, veuf de notre duchesse Marie de Bourgogne, se débattait péniblement contre ses sujets en révolte. A plusieurs reprises tout au long du XVe siècle, sa cour séjourna quelques années à Corroy. Le village contenait à cette époque un hôtel Dieu (hôpital) et une cour de justice. A partir de 1474, de grandes dépenses furent faites au château, sans doute en prévision des guerres à venir. Le pont fut en partie reconstruit. Deux tailleurs de pierre créèrent des canonnières, avec rigoles d’attache pour les canons, dans le bâtiment d’entrée. Les habitants du village furent requis d’amener 13 chariots de pierre de Balâtre pour fabriquer 850 boulets. Enfin, de célèbres armuriers comme Jan Hoet ou Jan de Cupere, de Malines, supervisèrent les dépenses. Ce dernier est cité pour avoir livré six grandes haquebutes (arquebuses) au château. Ce Jan de Cupere serait-il Jean de Malines, le fondeur du fameux canon de Charles le Téméraire dont les Suisses s’emparèrent à Grandson en 1476 et qui est conservé au Musée de Bâle ? Toujours est-il que le bâtiment fut remis au goût du jour et bien fourni en piques et haches venues d’Anvers ainsi qu’en armes de trait et viretons commandés à Bruxelles.

Pendant quelques années (de 1494 à 1540), Corroy fut vendu à réméré (avec faculté de rachat) à Philibert de Veyré, qui gouverna la Castille au décès de Philippe le Beau, puis à ses héritiers, les Vaudrey. En 1540, René de Nassau-Chalon, prince d’Orange, racheta le château pour l’offrir à son demi-frère Alexis. Celui-ci était né des amours de leur père, Henri II, alors tout jeune homme, avec la fille du gouverneur de Vianden, Elisabeth de Rosenbach. Il fut légitimé par Charles Quint en 1530 et reçut ainsi tous les droits d’un enfant «né de légitime mariage».

A peine en possession du château, Alexis de Nassau, qui séjournait à Breda chez son frère le prince d’Orange, dut subir un désastre. Lors de la deuxième guerre entre François Ier et Charles Quint où, dans le contexte de la succession de Gueldre, intervenaient les princes protestants allemands, le château fut assiégé (1542) par le terrible maréchal de Gueldre, Martin van Rossem, un soudard qui déclarait : L’incendie est le Magnificat de la guerre. Le gouverneur du château, Louis de Woelmont, n’eut d’autre recours que de se retirer à Louvain avec 16 hommes. Quant aux habitants de Corroy, qui avaient cru trouver refuge derrière les murs de la forteresse, on leur offrit la vie sauve s’ils acceptaient de rendre la place. A peine eurent-ils ouvert les portes qu’ils furent massacrés. Seul un homme en réchappa. L’année suivante, le prince d’Orange, accorda des lettres d’exemption à son frère pour qu’il pût repeupler son domaine en puisant dans d’autres villages de ses possessions.

En 1554, les troupes du roi de France, Henri II, recommencèrent la plaisanterie et brûlèrent le port (la porte) du château. Un contemporain put écrire : Tout a été gasté à la course des franchois. Néanmoins, l’épouse d’Alexis, Wilhelmine de Bronckhorst-Batenburg, était riche et put restaurer le château assez rapidement. Les finances des Nassau étaient suffisantes pour qu’en 1565, René de Nassau se permît d’acheter la seigneurie de Chênemont. Son fils, Alexis II, se distingua par sa capacité à prêter de l’argent à tous les châtelains des environs. Quelques années plus tard, le passage des troupes de Louis XIV causa de grands dégâts dans les cultures et dans le village, au point que Catherine de Harchies, l’épouse de Maximilien de Nassau pouvait écrire en 1675 : Nous some icy ruyné a la dernière extrémité…il n’est que le chasteau et leglise droit dans le village…les gens que l’on a mis dedans nous ont rongé jusque au os…Si l’on me tourmente encore, il faudra que iaille brinber (mendier) car ie nay plus rien au monde… Le 2 juillet 1690, les Français pillèrent le château et l’église durant plusieurs jours. Puis ce furent des démonstrations militaires de 2500 chevaux qui anéantirent toutes les récoltes. En 1692 et en 1697, le village fut une nouvelle fois saccagé : La plus grande désolation au monde.

En dépit de ces lamentations, la situation des Nassau de Corroy ne fit que s’améliorer. Le 3 février 1693, la seigneurie fut érigée en comté par Charles II d’Espagne. Dès 1718, puis entre 1730 et 1740, Joseph-Ignace de Nassau, premier comte de Corroy, qui avait hérité de sa mère, Catherine de Harchies, les comtés de Hallennes, d’Erquinghem-le-Sec et de Zwevegem, put entamer les grands travaux d’aménagement qui donnèrent à la cour son aspect actuel et qui permirent une habitation vaste, claire et spacieuse. Cet effort dura pendant une partie du siècle et ne fut jamais vraiment terminé, au point que les Nassau vécurent plus souvent dans leurs hôtels de maître et dans leurs châteaux français.

Le dernier comte de Nassau et de Corroy, Charles, fut envoyé à La Haye en 1789 par les Etats Belgiques Unis, en révolte contre Joseph II pour discuter avec son cousin le prince d’Orange d’une reconnaissance officielle du nouvel Etat. Sa mission n’eut pas le temps d’être couronnée de succès par suite de l’invasion française. En 1803, il maria sa fille unique, Amélie, à Gillion, marquis de Trazegnies d’Ittre. Hélas ! au moment de la chute de l’Empire, Corroy dut subir les exactions des Russes, puis des Prussiens et des Westphaliens. Le maire du village écrivait le 25 juin 1815, soit une semaine après Waterloo : Nous sommes depuis quinze jours plus malheureux qu’avant…par les pillages exercés tant par les Français que par d’autres. Nonobstant toutes ses pertes et embarras, le peuple de notre commune est resté respectueux, au dépit de nos ennemis qui n’épargnaient rien pour les en éloigner. Cette phrase démontre clairement que le peuple belge n’avait pas été assimilé par le régime français et qu’il se réjouissait suffisamment de la fin de cette domination pour subir sans rechigner les souffrances du moment.

LES SEIGNEURS, BARONS puis MARQUIS de TRAZEGNIES

La filiation des Trazegnies est suivie depuis 1105. Son premier représentant, Otton de Blicquy, est cité à cette date, mais certains chercheurs émettent - avec beaucoup de prudence et de réserve - que les Blicquy pourraient remonter jusqu’à Engelbert, avoué de Gand-Saint-Pierre vers 950. La famille a par la suite joué un rôle majeur dans l’épopée des croisades. Le membre le plus illustre de la lignée médiévale est Gilles de Trazegnies, surnommé «le Brun» à cause de la couleur de ses cheveux, qui, de 1250 à 1276, fut connétable de France sous Saint-Louis. C’est sa vie de bon chevalier et preudhomme (suivant l’expression de son beau-frère, Jean de Joinville) qui fut sans doute à l’origine de la Légende de Gillion de Trazegnies, très connue dans le Hainaut et même en France et en Allemagne aux XIVe et XVe siècles.

Trazegnies était une petite principauté indépendante qui ne fut définitivement rattachée aux Pays-Bas autrichiens que dans le courant du XVIIIe siècle. Ayant accepté en 1614 le titre de marquis octroyé par les archiducs Albert et Isabelle, les Trazegnies reconnurent implicitement la suzeraineté de la maison d’Autriche. Au XIXe siècle, le baron Kervyn de Lettenhove, l’historien de Froissart, décrivit la famille de Trazegnies comme une des plus célèbres de l’Europe.

En 1414, Anne de Trazegnies, dernière de la première race, épousa le plus beau parti de de la principauté de Liège, Arnould de Hamal, seigneur d’Elderen (biaz enfens et gratieux qui est al temps présent, li plus riches enfes à marieir qui soit en nostre paiis). Leur fils aîné reprit le nom et les biens de sa mère , tandis que le cadet, Wautier de Hamal, fut l’ancêtre des comtes de Hamal de Gomignies et des comtes de Hamal de Vierves. La filiation des Hamal, un peu moins ancienne, remonte à la fin du XIIe siècle, mais cette deuxième famille reste l’unique lignée des Pays-Bas qui ait été (au XIVe siècle) l’héritière légitime d’une principauté de nos régions, en l’occurrence le comté de Looz, actuelle province de Limbourg.

En 1803, Gillion de Trazegnies, marquis d’Ittre, épousa Amélie de Nassau, comtesse de Corroy.